En mai j’annonçais tout à la fois l’arrivée prochaine d’un roman dont l’intrigue se déroule en Chine, et mon départ pour… la Chine, précisément.

La Chine ?

Lorsqu’en 2019 je quittai Dali – mon repère dans l’Empire du Milieu pendant plus d’une décennie, comment aurais-je imaginé que cinq ans s’écouleraient avant que j’y revienne ?

Ce qui devait être un court séjour dans l’Hexagone est devenu, par le fait d’un virus tristement couronné, un nouveau chapitre de vie.

Alors quel plaisir j’ai pris à retrouver récemment cette montagne au pied de laquelle je vécus des heures si intenses, à fouler de nouveau les pavés de cette ville qui me fit tant vibrer.

Oh, bien sûr les choses ont changé. En cinq ans là-bas elles changent comme en quinze ans ici. On ne fume plus guère, ni de clopes que l’on ne propose même plus en signe de bienvenue, ni de diesel qui cède le pas aux véhicules électriques, omniprésents. Les klaxons semblent avoir disparu, bientôt les autos cèderont le passage aux piétons !

Pour autant, derrière cette poussée civilisationnelle, les représentants des « cent noms anciens » – comme on nomme le peuple – sont bien sûr toujours là. Et l’émotion que j’ai ressentie en retrouvant la caresse de leurs yeux rieurs, la bienveillance de leurs attentions, la chaleur de leur exquise fraternité ne l’a cédé en rien à la joie de revenir sur les lieux de l’action de mon roman.

Après avoir fréquenté ces lieux en esprit encore et encore au cours des années d’écriture, voilà que je les vivais à nouveau. Et là, mon texte prenait vie, les scènes se jouaient devant mon œil intérieur, plus vraies que nature :

Osame débarquant sous la lune…      

 « À la Chine ? Mais que diantre vais-je faire en Chine ? Ça n’est pas le but de mon voyage ! »

Mamie, première rencontre terrienne de l’héroïne…

« Nihao » s’empresse de dire Osame dans un sourire qu’elle veut aussi chaleureux que possible. « Je te vois, vieille femme.

– Grand-Père du Ciel ! Qu’est-ce qui vous est arrivé ? Ça n’est pas possible, vous vous êtes fait fouler aux pieds par un troupeau de buffles ? ».

L’aventure commence !

L’engin ralentit, vire sur la droite et s’engage dans la pente qui longe les remparts de la vieille ville. Arrivées sur le parvis d’une porte dans la muraille, la conductrice s’arrête, coupe le contact et s’adresse à sa passagère : « Et voilà Grande Sœur, nous sommes à la porte sud de la vieille ville. Vous savez où vous allez ? »

« Alors la p’tite dame au joli maquillage, elle a pris son petit déjeuner ? Qu’est-ce qu’elle dirait d’un bon bol de nouilles de riz au mouton ? »

Premiers pas à la rencontre de l’argent…

« Vous dites que vous n’avez pas de nom de famille ? » tente de confirmer la banquière maintenant franchement soupçonneuse.
« Allons, allons, je suis sûre que nous allons dissiper ce malentendu sans tarder. Je devine que vous n’êtes pas chinoise, n’est-ce pas ? Pouvez-vous me présenter votre passeport ? »

Passe… Port. Moule à crottes, les choses sont sur le point de s’envenimer…

« Vous ne savez pas ce que veut dire travailler ? Mais c’est juste pas possible, ça ! Tout le monde doit travailler, sauf les rupins, et encore ! »

– Que signifie ton inaudible message, deux pour le prix d’un, tout doit disparaitre ?

– Eh bien précisément ça. Vous payez pour un objet souvenir, et on vous offre le deuxième » lui répond le jeune homme les yeux fixés sur la chevelure rousse d’Osame.

– À quelle fin ?

– Comment ça quelle fin ? C’est une offre promotionnelle, voilà tout.

– Une offre promotio… mais dans quel but ? demande Osame.

– Pour vendre plus, évidemment ! D’où sortez-vous ?

– Vendre plus, pour quoi faire ?

– Vous… plaisantez, là ? On veut vendre plus pour gagner plus d’argent, voilà tout !

– Je veux le Chiffre !

– Le… mais quel chiffre ?

– Le Chiffre des argents, celui que tout le monde cherche et dont personne n’a jamais assez.

– De l’argent ? Vous cherchez de l’argent ? » L’homme respire, enfin une chose tangible à laquelle se raccrocher.

Ça s’envenime…

D’un bond elle est dehors, serrant la pochette noire contre sa poitrine elle se met à slalomer dans la foule compacte qui descend la rue pavée.

« Eh, au voleur, arrêtez-là ! » crie le chauffeur en tendant un bras rageur par-dessus le toit de son taxi.

Les rayons lumineux alentours se figent l’un après l’autre avant de balayer l’espace dans la direction d’où viennent les cris. Un premier accroche le corps du placier affalé, et naturellement Osame qui, accroupie en travers de lui, se trouve prise comme un lapin dans les phares, des billets de banque à la main.

Des rencontres infâmes…

– Oh, la p’tite dame elle a des billets ? Mais c’est très bien, ça. Et dites-moi, elle veut bien les montrer à l’Enjambeur, ses billets ? P’têt ben que l’Enjambeur il va pouvoir l’aider à les changer ses billets à la madame.

Et d’autres, enchanteresses…

Au même moment débarque une furie qui fonce droit sur Legendre et l’arrose d’injurieux postillons : « Face de pet ulcéreux, c’est de votre faute tout ça ! Vous savez bien que ma famille au village compte sur moi pour lui envoyer des sous tous les mois ! »

Et puis une rencontre à nulle autre pareille…

– C’est qu’on n’avait jamais rien fait de tel pour moi. Quand je t’ai dit limousine et montgolfière, je déconnais, vraiment. J’ai pensé que tu le comprendrais.

Et tant d’autres scènes encore…

De retour en France à présent, j’ai hâte que ces lignes trouvent leur écho. Grâce à Marie, correctrice presque aussi talentueuse que comédienne, nous en sommes aujourd’hui un (grand) pas plus près.

Alors si en Septembre je parviens à tenir le cap, peut-être en Octobre pourrai-je vous proposer de porter avec moi Osame sur les fonds baptismaux, de participer à la première édition de ce livre.

Pour que,

si le cœur vous en dit,

vous puissiez vous aussi
faire ce voyage de l’esprit,
vibrer avec cette éclaireuse
si forte et pourtant si naïve.
Pour faire vous aussi

l’école buissonnière…

Amicalement,

Daniel

Laisser un commentaire